Colloque SHESL-HTL 2008 – Philologie et Linguistique en Europe aux XIXe et XXe siècles : conflits et convergences disciplinaires, géographies comparatives

1er et 2 février 2008

UFR du Monde anglophone (Université Paris 3)

Les concepts sont moins stables que les désignations. Sous les termes de « philologie » et « philologue », de « linguistique » et « linguiste » se sont manifestés des réalités institutionnelles, des problèmes de constitution de disciplines ; mais aussi des antagonismes de personnes et d’objectifs, des différences d’objets, des revendications théoriques, des traditions théoriques, nationales et institutionnelles diverses …
Ces journées de la Société d’Histoire et d’Epistémologie des Sciences du Langage voudraient donner l’occasion de réfléchir sur les acteurs de ces événements intellectuels, sur leur statut, sur leurs buts, sur leurs programmes et sur leurs oeuvres, afin de prendre la mesure des différentes stratégies d’observation/ étude des langues et des textes dans leurs histoires et singularités différentielles mais apparentées.
En privilégiant l’articulation des XIXe et XXe siècles, il s’agit de revenir à un moment crucial de l’histoire de ce qu’on peut appeler la « modernité linguistique ». On peut l’aborder de plusieurs manières, par plusieurs entrées :

  • renouvellement d’outils linguistiques comme les dictionnaires (par exemple Hatzfeld/Darmesteter) ;
  • émergence d’une linguistique « de plein air » (la dialectologie ou la- géographie linguistique) opposée à une linguistique « d’atelier » (de bibliothèque), avec plusieurs figures centrales dont celles de M. Bréal et de F. de Saussure ;
  • responsabilités que se sont reconnues les disciplines concernées dans- la transmission des textes et des valeurs du passé (F. Brunot, par exemple) et la dimension socio-politique de cette question ;
  • crise des représentations de la « scientificité », des méthodologies- et des données, caractéristique de cette époque (avec la réévaluation des acquis du comparatisme historique et la perspective de la linguistique synchronique) ;
  • emprunts, échanges, convergences et divergences entre des traditions- intellectuelles et/ou nationales (le débat avec le continent philologique allemand et ses acclimatations « régionales » en France, en Italie en Slovénie) ;
  • mise en place par les philologues occidentaux de textes de références- (éditions et traductions : Grammatici Latini, Grammatici Graeci, Textes grammaticaux sanskrits, arabes, etc.) qui restent encore aujourd’hui des outils précieux et incontournables pour les historiens de la linguistique travaillant sur les périodes pré-modernes.

Admettons que la crise des sciences du langage à la charnière des XIXe et XXe siècles ait pu prendre la forme dominante d’une revendication « d’autonomie de la linguistique » (revendication dont la paternité, au fond, importe peu : H. Paul ou F. de Saussure, et dont l’histoire reste à faire).
Cette revendication, qui fournit aujourd’hui encore le cadre général de nombreux débats sur le statut de la linguistique et des linguistes, a une histoire :

  • une histoire longue : le développement d’analyses métalinguistiques- (de traditions grammaticales) suppose comme sa condition sine qua non la constitution des données en « textes », quel que soit le sens qu’on accorde à ce terme et à ceux qu’on peut lui associer : parole, discours, langage ordinaire, actes de langage, littérature… Par ailleurs, les philologues sont ceux qui peuvent rappeler aux historiens de la linguistique que la « science normale », telle qu’elle est donnée dans des « manuels » (ou des « vulgates ») est un objet construit, résultat de la sédimentation de couches successives.
  • une histoire à moyen terme qui sera plus particulièrement notre objet- : à la charnière des XIXe et XXe siècles, il semble que l’approche philologique des données de langue apparaisse à la fois comme une arme puissante contre le paradigme naturaliste en linguistique et, dans le même temps, comme un obstacle ultime à son émancipation définitive.
  • une actualité et un avenir : avec le retour des naturalismes- cognitifs et linguistiques (cf. journées SHESL/HTL 2007, à paraître) et les réactions qu’ils suscitent (philologie critique, sémantique interprétative, linguistique des discours et des textes, traitement automatique de (grands) corpus, sémantique historique…), les relations linguistique/philologie reviennent au premier plan des préoccupations des sciences du langage, et la construction de meilleurs corpus de référence avec la « philologie électronique » est plus que jamais un enjeu important.

La restitution d’une séquence de cette histoire (évolutions) peut-elle contribuer à voir plus clair dans cette actualité (perspectives) ? C. Puech, J. L. Chevillard

Programme

Vendredi 1er février

13h 30. Ouverture du colloque : Sylvie Archaimbault, Directrice du laboratoire Histoire des Théories Linguistiques (UMR 7597 – CNRS/ Paris 7) et Jean-Marie Fournier, Président de la SHESL

I. Territoires disciplinaires : articulations et conflits

Présidence : Jean-Claude Chevalier

14h-14h 40. Simone Delesalle (Paris 8)
Philologie et sémantique dans le Dictionnaire Général de Hatzfeld et Darmesteter (1890)

14h 40-15h 20. Pascale Hummel (INRP)
L’Antiquité classique comme territoire philologique : étapes d’une appropriation épistémologique et terminologique (XIXe-XXe siècles)

15h 20-15h 40 : pause

15h 40-16h 20. Marina De Palo (Université de Salerne)
Philologie et linguistique entre science de la nature et science de l’esprit chez Bréal et Saussure

16h 20-17h. Carita Klippi (Université de Tampere)
Les mauvaises herbes ou les lis les plus rares. Pour une étude de la langue sur le vif dans la dialectologie française

17h 15 : Assemblée Générale de la SHESL (ancien et nouveaux adhérents)

Samedi 2 février

II. Traditions nationales : échanges et convergences ?

Présidence : Sylvie Archaimbault

9h 30-10h 10. Jochen Hafner (Université de Munich – LMU)
Ferdinand Brunot – philologue ?, linguiste ?, sociologue ?

10h 10-10h 50. Gerda Hassler (Université de Potsdam)
La philologie romane en Allemagne : en opposition à la linguistique ?

10h50-11h 10 : pause

11h 10-11h 50. Claudia Stancati (Université de Calabre)
Philologie et Linguistique : le cas italien

11h 50-12h 30. Andreja Eržen (Université de Lausanne)
‘L’âme slave’ ou comment Herder a influencé la pensée des philologues slovènes du 19e siècle
12h 30-14h : Déjeuner

III. Evolutions et perspectives

Présidence : Sylvain Auroux

14h-14h 40. Pascale Rabault-Feuerhahn (CNRS)
A l’articulation de la linguistique et de la philologie : le rôle ambivalent du comparatisme

14h 40-15h 20. Marc Décimo (Université d’Orléans)
Michel Bréal et la linguistique : entre passion et politique

15h 20-15h 40 : Pause

15h 40-16h 20. Frédéric Duval (Université de Metz)
Vers une réconciliation de la linguistique et de la philologie ? Le cas français.

16h 20-17h. Pierre Judet de la Combe (CNRS, EHESS)
Philologie / linguistique… et retour.

17h-18h. Synthèse et débat, animés par Christian Puech (Paris III).

Société d'histoire et d'épistémologie des sciences du langage